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désirs safranés
18 août 2010

Le safran et la Charente, une vieille histoire

Vous allez me dire : "du safran en Poitou-Charentes ?". En effet, en général quand on pense safran, on pense Afrique du Nord, soleil, voyage et exotisme. C'est une erreur. Le safran a été depuis toujours cultivé dans le monde entier et en particulier en Charente.

Ce sont les Romains qui auraient, les premiers, importés la culture du safran en France pendant la conquête de la Gaule, pour pouvoir avoir avec eux LA précieuse épice révélatrice de la position sociale. Les nobles romains utilisaient le safran dans les rituels religieux, comme colorant et pour embaumer l'atmosphère des thermes qui leurs étaient destinés. Avec le déclin de l'empire romain, la culture du safran va commencer à perdre de son importance pour finalement disparaître une première fois au cours du Vème siècle (environ vers 470).

On ne va plus cultiver de safran en Europe pendant plus d'un siècle.

La fleur mystérieuse du Crocus Sativus regagnera ensuite l'Espagne et la France dans les malles des Maures, notamment en Poitou-Charente lorsqu'ils ont été arrêtés à Poitiers par Charles Martel en 732. Les Maures ont apporté avec eux une connaissance du safran différente de celle des romains. En effet, pour eux le safran était avant tout une plante aromatique et médicinale.

Depuis cette époque, le safran n'a cessé d'être cultivé en Poitou-Charente de façon plus ou moins importante.

C'est vers 1350 que tout se joue. L'Europe plie l'échine sous le fléau de la Peste Noire (1347-1351) et les savant conseillent de fumigations de safran pour débarrasser les maison infestées de la maladie. La demande explose et la Charente joue de ses atouts.

La Charente était, et est toujours, une terre agricole fertile et riche par sa diversité de terroir où peuvent s'épanouir des cultures très diverses. Il se trouve que la chance accompagne les Charentais : le safran s'acclimate merveilleusement bien dans la région. C'est leur premier point fort.

Deuxième point fort : la situation géographique de la Charente. C'est une région tournée depuis toujours vers l'export. Elle est facile d'accès aussi bien par les voies terrestres (qui permettent de rejoindre la capitale et les pays de l'Europe du Nord) que par les voies fluviales et maritimes (le fleuve Charente est facilement naviguable et la proximité des ports de Bordeaux et de La Rochelle est non négligeable).

Le safran, principalement dédié à l'exportation, a trouvé une terre d'acceuil. Sa culture va se développer pour finalement devenir la culture principale de la région et le Poitou-Charente va devenir une des plus grandes régions productrice de safran au monde en qualité et en quantité. Vers 1550 on estime la quantité moyenne de safran récoltée chaque année à 5,5 tonnes. De nombreux marchés au safran ont lieu, le plus célébre et réputé étant celui de la Rochefoucault. On peut lire dans différents écrits de l'époque que "tout bon paysan a au moins un carré de safran dans son jardin".

La culture du safran a commencé à perdre de son importance dès le début du XVIIIème siècle pour finalement disparaître vers 1765 suite à un hiver particulièrement rigoureux, en parle en effet de gelées à -31°C qui ont détruit la majorité des bulbes de Crocus Sativus. Pourquoi les paysans de l'époque n'ont ils pas replanté de bulbe? Pour plusieures raisons : la première est qu'il fallait en faire venir d'autres régions ce qui implique d'avoir un peu d'argent d'avance; la deuxième est l'exode rural qui avait déjà commencé depuis quelques années et qui engendrai un manque de main d'oeuvre crutial dans les campagnes (alors que le safran en est très gourmand); La troisième raison est l'arrivée de la vigne et du blé, attrait de la nouveauté !

Il y a, depuis cette époque, toujours eu du safran cultivé en Poitou-Charentes mais de manière tellement marginale que cette histoire a fini par être oubliée de tous.

Aujourd'hui nous sommes une vingtaine de safraniers répartis dans toute la région. Pour la plupart agriculteurs, nous essayons de faire revivre cette petite part de notre patrimoine perdu.

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